La nuit est noire, aucune étoile ne s’accroche au ciel ce soir. Allongée sur l’herbe du parc municipal, je suis seule. Je ne fais rien, je ne pense à rien. J’attends.
Ce n’est pas la première fois que je me retrouve ici, presque chaque soir en fait. Seule échappatoire à cette vie si pesante, parfois. Lorsque les conflits intérieurs s’accumulent pendant trop longtemps, et que je m’aperçois, écœurée, que chaque partie de moi-même se trouve emplie de ces parasites toxiques. Alors je viens ici. Et chaque soir, j’espère vraiment qu’il se passe quelque chose, que quelqu’un m’attende. Tout en sachant que cela n’aura pas lieu. Sauf aujourd’hui. Ce soir, je n’espère rien. J’attends.
Je l’ai senti dès mon arrivée. Quelque chose d’infime, un pressentiment tout au plus. Ce petit rien qui indique que cette fois, tout sera différent. Pourtant, je n’ai pas changé mes habitudes. Je me suis allongée sur l’herbe, entre le terrain de basket et l’abri derrière les buissons. Je ferme les yeux. Je repense à la maison, à mes parents qui dorment, à la fenêtre de ma chambre laissée entrouverte lorsque je me suis enfuie. Je sens que le moment arrive. Pourtant, je ne cherche pas à fuir, je n’ai pas peur. J’attends.
J’ai les yeux toujours clos, mais je sais que l’homme assis sur le banc tout à l’heure s’est désormais levé. Il s’approche de moi, et je sais pourquoi. Pourtant je ne bouge pas. Je me laisserai faire aujourd’hui, et tous les autres jours qui suivront. Je n’en parlerai pas, je ne pleurerai pas et je ne me cacherai pas non plus.
C’était la première fois qu’une personne me remarquait.
Après tout il y en a, des personnes qui vivent avec toutes sortes de blessures, sans jamais se plaindre ni chercher à s’en débarrasser. Ils vivent avec, c’est tout. On a tous nos démons. Et parfois, la blessure est tellement intérieure qu’elle est invisible. Alors c’est presque comme si elle n’existait pas, puisque personne ne la voit.